Dominique Pialot, « L’Économie collaborative est-elle solidaire ? », La Tribune, 18 X 2013, p.6.

L’état d’esprit des start-up est souvent d’inspiration solidaire, mais ce sont deux mondes différents qui se croisent sans se superposer.

IMG_2530Covoiturage (Blablacar, Carpooling…), autopartage (Buzzcar, Deways, Oui-car), location d’appartements (Airbnb…), mutualisation de machines à laver (La Machine du Voisin), achat groupé de productions locales (La Ruche qui dit oui), financement participatif de concerts ou autres projets artistiques au Nord (MyMajor-Company, Ulule, KissKissBankBank), microcrédits accordés à de petits projets au Sud (Babyloan, Bluebees)… Sous ses multiples facettes, l’économie collaborative est en plein boum. D’après le cabinet Accenture, elle pèserait 350 milliards de $ (266,4 milliards d’€) en 2013….

Dominique Pialot, « L’Économie collaborative est-elle solidaire ? », La Tribune, 18 X 2013, p.6.

 L’état d’esprit des start-up est souvent d’inspiration solidaire, mais ce sont deux mondes différents qui se croisent sans se superposer.

Covoiturage (Blablacar, Carpooling…), autopartage (Buzzcar, Deways, Oui-car), location d’appartements (Airbnb…), mutualisation de machines à laver (La Machine du Voisin), achat groupé de productions locales (La Ruche qui dit oui), financement participatif de concerts ou autres projets artistiques au Nord (MyMajor-Company, Ulule, KissKissBankBank), microcrédits accordés à de petits projets au Sud (Babyloan, Bluebees)… Sous ses multiples facettes, l’économie collaborative est en plein boum. D’après le cabinet Accenture, elle pèserait 350 milliards de $ (266,4 milliards d’€) en 2013.

Coopérative par définition, cette « économie de l’accès » permet en outre à chacun de profiter de services qu’il n’aurait pas nécessairement les moyens de s’offrir individuellement et de créer du lien social au sein des communautés qui la composent… Cela en fait-il pour autant une composante de l’économie sociale et solidaire ?

L’impact social de l’effet collaboratif :

« Souvent, les créateurs de start-up collaboratives se voient comme des entrepreneurs sociaux », reconnaît Florence Berlingen, cofondatrice du think tank OuiShare, qui entend porter un regard critique sur ces nouveaux modèles. Mais cette économie repose avant tout sur l’intérêt personnel bien compris de chacun, observe Antonin Léonard, autre cofondateur.

On peut analyser les liens entre économie collaborative et économie sociale sous deux angles : celui de la gouvernance et celui de l’impact social poursuit-il. En l’espèce, toutes les entreprises de l’économie collaborative n’ont pas nécessairement une gouvernance associative ou collaborative. Elles démarrent souvent sous forme d’association, mais doivent rapidement évoluer vers une autre forme juridique, ne serait-ce que pour pouvoir rémunérer leurs employés.

Autre question, l’effet collaboratif a-t-il un fort impact social ? C’est vrai que les modèles de l’économie collaborative contribuent à rendre plus accessibles certaines ressources en les mutualisant ; vrai aussi, leur premier objectif est moins de maximiser le profit que d’avoir du sens. Parfois pourtant, le succès de certaines stars de l’économie collaborative recrée une forme de centralisation à l’opposé de l’image d’Épinal à l’origine de l’idée même de partage. Avec les 10 millions de nuitées vendues en 2012, le spécialiste de la location de logements entre particuliers Airbnb, n’a plus grand chose de la start-up. Pis, on peut considérer que ce modèle contribue à creuser plus encore les inégalités sociales puisqu’il permet à ceux qui possèdent un bien de s’enrichir plus encore grâce à leur statut de propriétaire.

Le crowfunding, ou financement participatif, est probablement les secteur de l’économie de partage qui se rapproche le plus de l’ESS. D’abord parce qu’il induit une forme de proximité entre les porteurs de projets et les internautes qui les financent, mais aussi parce que la finalité même des projets peut être sociale. Encore faut-il distinguer entre ses différentes formes : le don qui peut être avec contrepartie (par exemple un T.shirt du groupe dont vous financez le concert) ; le microcrédit où des internautes du Nord financent des projets au Sud ; le prêt entre particuliers avec ou sans intérêt…

« L’économie collaborative et l’économie sociale et solidaire sont deux modèles différents, deux modes de création de valeurs, qui se croisent parfois, conclut Flore Berlingen. On pourrait tout autant se demander en quoi l’ESS pourrait devenir plus collaborative en adoptant une forme moins pyramidale et hiérarchique… ».