Édito mars 2020 : Qui aurait pu penser ?

Qui aurait pu penser ? Mais tout le monde bien sûr !

Qui aurait pu imaginer la situation dans laquelle notre pays, sa population comme par toute la planète, se découvrent depuis un peu plus d’une semaine ?

Quelques écrivainNEs de science-fiction l’avaient fait bien entendu mais ce n’était pas pour de vrai…

Faut-il que nous soyons ainsi reclus, menacés par un ennemi que nous ne voyons même pas pour nous rappeler les alarmes exprimées depuis des décennies ?

On faisait l’autruche, comme disaient nos grands-mères. On n’y croyait pas ou plutôt on ne voulait pas y croire parce que cela remettait en cause le bel ordonnancement d’un modèle d’efficacité qui s’était imposé sur toute la planète et soumettait tout à son règne.

Même si certains évoquent la possibilité que le virus qui nous agresse aujourd’hui soit le fruit de quelques folles manipulations de laboratoire, cette option ridicule n’invalide même pas le constat : c’est bien la nature qui manifeste sa puissance et nous rappelle notre place, notre dépendance.

Le confinement auquel nous sommes toutes et tous réduits incite à la réflexion et peut-être aussi à quelques salutaires prises de conscience.

Quand ce temps sera derrière nous, saurons-nous ne pas oublier ce que nous avons (re)découvert ?

Et notamment qu’à certaines échelles, on perd prise :

L’exploitation forcenée et irresponsable des ressources naturelles fait surgir les plus graves des dangers sanitaires.

Les villes et plus encore les métropoles concentrent les énergies et aussi les plus néfastes.

Les pièces pour réaliser une voiture viennent de 30 pays différents et s’il en manque une seule, c’est toute la production qui est bloquée et qu’il suffit d’un « grain de sable » pour désorganiser la globalisation.

Que nous sommes toutes et tous dépendants :

Les petites unités sont plus résilientes que les grandes.

La proximité est moteur de solidarité.

L’isolement des personnes âgées risque de leur être plus fatal que le virus lui-même.

Il est des gens qui n’ont même pas de refuge.

Que ce que l’on appelle maintenant l’économie s’est coupée de la vie :

Les premières alarmes sont venues du secteur boursier qui pourtant ne nous parlait pas de la potentielle disparition de millions d’êtres humains mais de faillites parce que nos sociétés, devenues financières et spéculatives, n’y survivraient pas.

Qu’un déficit ne peut être un absolu car il est toujours relatif, que l’indispensable et l’essentiel ne sont pas que des adjectifs et qu’ils doivent être raisonnés :

Particulièrement pour la santé et sa prise en charge par un service public proche et revalorisé mais aussi, plus largement, tous ceux qui prennent soin de missions qui n’ont pas de prix.

Mais aussi, saurons-nous nous souvenir qu’en ces jours :

On a (ré)entendu le chant des oiseaux.

En quelques semaines, la pollution aérienne semble fortement diminuée.

En quelques jours, l’eau des canaux de Venise et sa faune paraissent régénérées.

On a pu comprendre qu’être ensemble est une chance mais aussi une nécessité.

Oui, nous vivons une crise et on peut se demander s’il est important de savoir si elle est ou non plus grave que les précédentes.

Par contre, il est déterminant de se rappeler l’étymologie de ce mot et le verbe grec krinein qui signifie séparer, choisir, juger ou décider. La krisis désignait donc le choix et c’est à l’évidence notre mission dans la crise présente.