Entretien : Le Garde-Manger à Augan

Le Garde-Manger : épicerie de proximité à Augan. Entretien avec Matthieu et Marion, salarié.es, associé.es

Ouvert le 9 juillet 2010, le Garde-Manger est une des activités de la SCIC1 Le Champ Commun à Augan. Ni épicerie de « dépannage », ni épicerie « spécialisée », le Garde-Manger se veut un « commerce normal » qui s’adresse au maximum de personnes et pour cela propose aussi bien des produits bios et locaux, que des produits dits « conventionnels » puisque l’idée est de répondre aux besoins des habitants.

Avez-vous noté des changements dans l’activité du Garde-Manger depuis le début du confinement ?

Nous accueillons de nouveaux clients qui découvrent une épicerie de proximité mais surtout nous remarquons que nos clients réguliers font des courses plus importantes. Comparée à notre activité habituelle il y a une nette augmentation des achats. En particulier de produits frais, d’œufs, farines etc… Il y a selon nous plusieurs raisons à cela. D’abord, le fait que toute la famille prend ses repas à la maison en raison du confinement, et dans certaines familles, les enfants étudiants ou jeunes adultes sont rentrés chez leurs parents pour traverser cette période de confinement. Durant les premiers jours, les achats pouvaient être qualifiés de « courses de survie » ! Produits secs, d’hygiène… et oui le papier toilette ! A mesure que les semaines passent , les usagers se tranquillisent . D’un climat tendu fait de situation émotionnellement compliquée nous sommes passés à une certaine routine de confinement , nous constatons que la majorité des clients respectent le confinement, font majoritairement leurs courses une fois par semaine et achètent principalement des produits à cuisiner, car ils ont aussi plus de temps, Il se renoue probablement quelque chose dans le rapport à l’alimentation. Nous faisons le maximum pour maintenir nos rayons aussi remplis que d’ordinaire même si nos ventes ont augmentées et sont irrégulières, nous n’avons jusqu’à présent aucun problème d’approvisionnement par nos fournisseurs et constatons très peu de rupture. La seule baisse que nous remarquons est sur la vente d’alcool sûrement en raison de l’impossibilité d’organiser des soirées festives, barbecues et autres… désormais depuis vendredi 17 Avril la vente d’alcool issue de la distillation est interdite par arrêté préfectoral , seuls la bière , le vin et le cidre restent autorisés à ce jour .

On note de la solidarité entre les gens, de plus en plus de personnes font aussi les courses pour leurs voisins. Il nous arrive de préparer et de livrer des commandes pour des personnes âgées ou des personnes très à risque ; la décision est discutée au cas par cas en équipe épicerie quand il y a une demande .

Avez-vous pris des mesures particulières dans l’organisation du travail et l’accueil des clients ?

Avant toute chose, nous avons fait en sorte que chacun puisse s’exprimer et que soient prises en comptes les craintes éventuelles, les possibilités par rapport à la situation familiale, car même si pour toute l’équipe il y avait comme une évidence à continuer il est vrai que psychologiquement il plane un sentiment de prise de risque permanent. On se réinterroge régulièrement, on vérifie que personne ne se sent en danger ou ne se retrouve en difficulté. Et pour cela en effet, nous avons adapté notre organisation. Dès le début du confinement , nous avons modifié nos horaires ( de 9h à 18h sans interruption , tous les jours ; fermé le jeudi et le dimanche ) pour inciter au confinement et pour ne pas nous exposer plus que nécessaire. Nous avons installé devant l’épicerie un évier avec du savon, chaque client se lave les mains avant de rentrer et en ressortant (il y a aussi du gel hydro-alcoolique à disposition dans l’épicerie), nous limitons l’accès à 5 personnes à la fois dans le magasin et pour cela un membre de l’équipe ou un.e associé.e de la coopérative accueille et fait patienter les client.es à l’entrée. Cela permet aussi de discuter davantage avec nos clients , de prendre des nouvelles ; d’une certaine manière , cela nous rapproche ! Nous avons aussi fait des marquages au sol pour aider à respecter les distances, et nous avons réaménagé les espaces pour qu’il y ait davantage de place pour circuler. Nous portons des masques, nous utilisons des gants, nous désinfectons régulièrement les poignées de portes et le TPE ainsi que les autres surfaces , nous nous lavons les mains entre chaque client.e…

Qu’est-ce qui vous semble aidant ou qui pourrait vous aider ? Avez-vous eu des contacts avec les collectivités locales ou des institutions ?

Ce qu’on apprécie ce sont bien sûr toutes les marques d’attentions et de sympathie de la part des clients, des associés et des collègues qui se trouvent au chômage technique2. On nous a fabriqué et offert des masques, on nous en a également donné , on nous fait la cuisine pour le déjeuner, on nous offre des gâteaux , des brins de muguet … et beaucoup de clients nous remercient de rester ouverts. Ces attentions nous touchent vraiment.

Nous avons contacté tous nos partenaires fournisseurs, qu’ils soient petits producteurs ou grossistes, pour leur faire part de notre situation et de nos réalités économiques ( le bar , restau , auberge étant fermés ) et surtout de permettre l’ouverture du dialogue et entendre leurs réalités également . Un certain nombre d’entre eux ont accepté de décaler le paiement de leurs factures .

Par ailleurs , nous sommes étonnés du silence des collectivités locales.

Pour le moment ça va, si la situation reste stable nous pourrons durer en nous adaptant et essayant de transformer cette période particulière de façon constructive. Profitons-en pour modifier durablement nos façons de travailler et de consommer . Il est urgent de réagir et de nous relocaliser . Il est toutefois difficile aujourd’hui de savoir comment les autres activités de la coopératives vont redémarrer et retrouver leur stabilité fragile, ce qui est pour le Champ Commun source d’ inquiétude.

1Société Coopérative d’Intérêt Collectif

2Les autres activités de la coopérative sont à l’arrêt : restaurant, auberge, bar, salle d’activité