[ Été 2020 ]

Et si nous parlions aujourd’hui de liberté ?

Celle, si précieuse, dont Eluard disait :

« Sur les sentiers éveillés

Sur les routes déployées

Sur les places qui débordent

J’écris ton nom

[…]

Sur toute chair accordée

Sur le front de mes amis

Sur chaque main qui se tend

J’écris ton nom »

Mais en connaissons nous vraiment le prix ou plus exactement la valeur ?

Le confinement que nous avons récemment vécu nous a peut-être donné l’occasion de nous interroger sur cette question car c’est bien notre liberté d’aller et venir, d’agir à notre guise qui a été remise en cause en raison d’un double principe de précaution et de sécurité.

C’est au nom de l’intérêt général que cette décision a été prise par l’Autorité et s’est imposéE à chacunE. C’est aussi au nom de notre liberté citoyenne que nous avons accepté cette limitation temporaire, inscrite dans une loi d’exception.

Mais on peut alors interroger une telle adhésion éclairée, « librement consentie » comme dit la formule. Car pour cela, encore faut-il connaître, mesurer les enjeux et les risques, encore faut-il qu’il y ait eu un vrai partage d’informations et de savoirs ; ce que l’on pourrait appeler une éducation populaire au sens le plus noble du terme.

Au contraire, n’était-ce pas d’abord la peur qui commandait ce consentement ? Et, sans remettre en cause la légitimité du principe, on est en droit et peut-être même en devoir de remarquer que c’est également au nom d’autres peurs que des peuples européens – proches de nous, et appartenant même à l’UE – abdiquent gaillardement, dans la liberté individuelle de leur vote, leurs libertés républicaines et les autres principes qui y sont associés.

Pourtant, si nous avons accepté cette limitation de nos libertés au nom du danger, avons-nous pris pleinement conscience que l’effort était inégal selon nos conditions et nos contextes de vie. Nous, ruraux, avions un avantage majeur comparativement à nos compatriotes urbains et ne parlons pas des détenuEs ou de celles et ceux dont on dit qu’ils sont aussi en situation de « privation de liberté », dans les EHPAD et autres asiles…

Notre expérience nous amènera-t-elle à comprendre que cette peine est déjà suffisamment lourde pour que l’on n’y ajoute pas des conditions de vie indignes ?

Et puis on peut aussi interroger la notion de liberté au regard de ses évolutions, pour ne pas dire ces dérives, car c’est bien en son nom que les ultra-libéraux défendent la « liberté du renard dans le poulailler » et c’est bien au nom de l’individualisme généralisé et ses libertés subjectives que se sont progressivement effondrés les bases notre véritable sécurité collective[1] : celle qui nous permet d’envisager un avenir commun où chacunEs aurait sa place dans un monde vivant et vivable qui ne serait pas seulement un « écosystème ».

 

[1] À ce propos ; un des ouvrages de Michel Freitag, fondateur de l’École de sociologie de Montréal, penseur critique de la post-modernité trop peu connu en France : L’Abîme de la liberté, Critique du libéralisme, Montréal, LIBER éd., 2011.