Édito : ESS’entiel Ploërmel soutient la mobilisation contre la réforme des retraites

Il y a peu, les paisibles rues de Ploërmel se sont animées. À l’initiative d’un collectif regroupant des citoyennes et citoyens du territoire, les « Déambulateurs 56 », et de l’organisation intersyndicale elles se sont remplies comme celles des grandes villes.

Il ne s’agissait pas d’un événement festif, encore que… car on ressentait chez ces personnes rassemblées une certaine joie à se retrouver dans l’espace public pour s’y exprimer collectivement comme le permet la démocratie.

Il s’agissait de répondre à un appel qui allait au-delà de celui des structures organisatrices. Car c’est bien le sens, étymologique, de toute provocation et le projet de réforme des retraites s’y apparente.

Mais c’est aussi un élément déclencheur, cette fameuse goutte d’eau qui libère une parole trop longtemps contenue sur tellement d’autres évolutions qui, remettant en cause les solidarités et l’intérêt général, pénalisent le plus grand nombre et précarisent le quotidien de plus en plus de personnes.

Pour qualifier ces moments, on parlait dans le temps d’émotions collectives et l’expression correspond bien au sentiment qui mobilise les groupes et les met en mouvement, au sens propre.

Ce que l’on sait de la réforme des retraites nous laisse anticiper qu’elle sera loin d’améliorer une situation déjà insatisfaisante. Celle des femmes par exemple, enfin alignée sur celle des hommes, sera tout aussi insatisfaisante.

Si le recul de l’âge de départ à la retraite est si sensible, c’est bien qu’il y a de nombreux emplois que l’on doit se résoudre à accepter pour vivre et faire vivre sa famille. Pénibles physiquement et psychologiquement, ils usent les corps avant l’âge pour des salaires le plus souvent indécents.

Oui, il est légitime de parler d’indécence quand les arguments invoqués pour exiger ces limitations reposent sur la prévision d’un déficit à terme pour ce service public qui faisait partie des ambitions du programme du Conseil National de la Résistance.

On peut débattre de l’existence ou de l’ampleur d’un éventuel déficit mais, serait-il grand qu’il n’aurait encore rien à voir avec les subventions accordées aux entreprises privées et, indirectement, leurs actionnaires. Indécence à nouveau.

Il y aurait encore tellement d’arguments pour interroger cette remise en cause de ce qui n’est même plus considéré comme un droit mais comme un avantage.

Alors, quand arrive le temps du carnaval, il n’est pas étonnant que s’exprime la « révolte des gueux ». Et si les conditions de vie, l’inflation, le renchérissement des énergies et quantité d’autres éléments factuels font également déborder le vase, on ne saurait ignorer parmi les motivations de chacune et chacun, l’incertitude de l’avenir, l’éco-anxiété face à la crise climatique : une sourde impression d’impuissance personnelle…

Pour une fois, au lieu d’un repli individuel et fataliste, c’est un mouvement collectif qui s’exprime au grand jour et celles et ceux qui y prennent part trouvent leur énergie dans le fait qu’ils assument ensemble leur place dans le débat public.

Alors que les logiques financières et spéculatives de la globalisation entérinent la domination outrecuidante des marchés et la virtualisation des échanges, c’est une déshumanisation qui est à l’œuvre et ce que l’on percevait depuis longtemps se concrétise progressivement : la consécration d’une « overclass » vivant aux dépends d’un sous-prolétariat de plus en plus nombreux et de plus en plus sacrifié.

Si nous ne voulons pas que ce scénario d’exploitation infinie de la nature et des êtres humains constitue notre futur exclusif, il nous semble temps de revenir aux origines des principes de l’économie sociale qui sont également nés dans les luttes ouvrières du XIXe siècle contre un capitalisme déjà triomphant.