Édito

Il ne se passe pas d’heure sans que les médias nous abreuvent d’informations concernant la crise sanitaire. De quoi nous parle-t-on alors ? De notre santé ou de notre sécurité pour laquelle ce méchant virus est une menace venant rejoindre la liste de toutes ces « violences » que nous devons affronter et qui légitiment des décisions mettant en cause notre liberté en doutant de notre capacité à les affronter.

Quel que soit le domaine, l’accumulation des données et des chiffres ne nous apporte aucune certitude si ce n’est la conviction que le pire est possible et que la méfiance vis-à-vis de l’autre est indispensable.

Alors quand on sait que la confiance est la condition sine qua non de tout contrat, il ne fait pas de doute que ce qui est en train de se mettre en œuvre, entre les menaces d’épidémie virale ou d’ensauvagement, c’est le début d’une remise en cause de notre contrat social et donc de la base de notre vivre ensemble.

Comme pour le confinement, on peut penser que nous, ruraux, sommes privilégiés par rapport aux habitants des villes qui ne connaissent pas les personnes qu’ils croisent et même parfois leurs voisins. Alors, faute de relations, faute de prévenance réciproque, c’est de la surveillance qu’il faut.

Pourtant c’est de l’anticipation qu’il faudrait. Et cela s’appelle aussi de la prévoyance ou de la prévention mais on en arrive à un dilemme que l’on semble ne dépasser que quand il est trop tard et qu’on en est aux regrets.

Les politiques préventives se heurtent toujours à une difficulté majeure, celle de la preuve de leur efficacité, d’autant que, dans notre société, la preuve majuscule est forcément quantitative car, c’est bien connu : les chiffres « ne mentent pas ».

Mais alors comment estimer l’incidence d’événements qui n’auront pas lieu et, s’agissant de la santé, l’économie – puisque ces chiffrages sont aussi d’abord financiers – réalisée du fait de l’empêchement de la maladie ?

Faut-il d’ailleurs seulement penser ainsi quand on connaît la définition de la santé retenue par l’OMS ?

« Un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » et qui représente « l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soit sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ».

Prenant cela en compte, on peut se demander s’il n’y aurait pas lieu de changer le nom de notre ministère de la santé pour en faire un ministère de la maladie qui serait plus en phase avec sa vraie mission, cristallisée actuellement dans la lutte contre la pandémie.

Et dans ce cadre, il semblerait que le masque soit un des outils les plus efficaces de prévention justement, alors pourquoi ne pas le diffuser gratuitement ? Cela serait trop compliqué à gérer ? Cela coûterait trop cher ? Mais, encore une fois, quelles économies objectives un tel dispositif pourrait permettre en évitant la maladie ?

De plus, la situation que nous vivons toutes et tous fait émerger d’autres questions importantes et tout aussi casse-pieds.

Savez-vous pourquoi les complémentaires santé, qui pour beaucoup sont des mutuelles et relèvent donc de l’économie sociale et solidaire, risquent d’être visées par un nouvel impôt ? Eh bien tout simplement parce que les françaises et les français ayant moins consulté leurs médecins durant le confinement, elles ont fait de substantielles économies. Curieusement, cela signifierait-il que les gens ont été moins malades pendant la pandémie ?

Bien sûr que non et c’est une idée ridicule mais si le service n’est pas accessible pour cause d’engorgement hospitalier par exemple, il faut remettre les examens et les traitements. On peut alors penser que les pathologies seront plus graves et les soins plus coûteux du fait du retard, quid des économies ? Encore qu’il est des cas qui n’auront plus besoin d’être traités…

Par ailleurs, en santé comme en d’autres secteurs, le pic de crise que nous avons vécu avec le contingentement nous a appris combien la proximité des productions et des services était importante, que les concentrations de populations étaient des facteurs d’amplification notables des phénomènes. On nous disait que l’on saurait tenir compte de ces enseignements, alors pourquoi maintient-on le principe de la disparition des services hospitaliers de proximité ?

Enfin, cette crise toujours nous a révélé l’importance essentielle de celles et ceux que l’on a appelé les « premiers de corvée ». Parmi eux, il y avait tous les agentEs hospitalierEs qui ont fait la preuve de leur professionnalisme et peut-être plus encore de leur engagement civique, mais n’était-ce pas également le cas de celles et ceux qui ont maintenus ouverts les services de première nécessité, assumant ainsi une mission essentielle mais aussi un risque dont ils avaient conscience ?

Alors si la mission de ces personnes est aussi essentielle, pourquoi faut-il que les revenus de la majorité d’entre-elles fassent parties des moins élevés et qu’il soit aussi difficile d’améliorer leurs conditions de vie avant de parler de leur pouvoir d’achat, ce qui ne devrait pas être assimilé ?