[Édito de mars 2024]

Timothée Duverger a fait paraître en février dernier dans la collection Repères un petit ouvrage intitulé « l’Économie sociale et solidaire ». C’est un écrit à la fois riche et synthétique, passionnant comme les autres publications de l’auteur.

Nous vous proposons aujourd’hui un extrait de cet ouvrage qui nous paraît particulièrement intéressant au moment où l’on parle de plus en plus d’une soi-disant nécessité d’ouvrir l’ESS à des entreprises conventionnelles et les amener ainsi vers des pratiques plus vertueuses.

Il y montre comment se construit ainsi, avec les « entreprises à mission » ou l’idée d’un « capitalisme d’intérêt général », un mouvement de nature à remettre en cause l’ESS elle-même. En tout cas, c’est son engagement politique qui est en fait visé et pour nous qui soutenons l’idée d’une ESS militante, héritière vigilante des luttes qui l’ont fondée, c’est proprement inconcevable.

La loi Pacte (2019) est la première réforme de la définition de l’entreprise depuis 1804. Il s’agissait alors de « partager le bénéfice » dans l’« intérêt commun des associés ». Il est désormais stipulé qu’elle « est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Plus encore, « l’article 1835 permet l’adoption d’une « raison d’être ».

Comme l’écrit Timothée Duverger, « cette notion ne consiste pas à préciser la finalité de l’entreprise mais les valeurs sur lesquelles s’appuie son fonctionnement et les moyens qu’elle y consacre ». Une entreprise dotée d’une raison d’être peut aussi prendre la qualité de « société à mission ». Cela implique qu’elle précise dans ses statuts un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux ».

L’auteur relève cependant l’« absence paradoxale du modèle de l’ESS » dans ces dispositifs : « Le rapport Notat – Senard de 2018 qui a inspiré ces mesures, paraît même la discréditer : « Si l’économie sociale et solidaire a constitué une « troisième voie » entre l’action publique et l’économie de marché, il semble qu’une autre voie puisse se dessiner, celle d’une économie responsable, parvenant à concilier le but lucratif et la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux » […] Le rapport Notat – Senard écarte ainsi les modèles de l’ESS car ils limitent la rémunération du capital.

Des organisations de l’ESS, notamment certaines mutuelles (Harmonie mutuelle, Maif…) et banques (Crédit mutuel, Alliance fédérale…), ont cependant pris la qualité de sociétés à mission. Le directeur général de la Maif, Pascal Demurger, porte ainsi la vision d’une « entreprise politique », chargée de répondre aux enjeux de société à travers son activité. Selon lui, « s’il fixe des règles de gouvernance, le statut mutualiste ne préjuge en rien des choix de gestion qui seront opérés. Même le principe de non-lucrativité et l’absence de dividendes ne garantissent pas contre la tentation d’augmenter les profits à leur maximum possible. […]

Enfin, certains appellent à un dépassement de l’ESS, à l’instar de Jean-Marc Borello, président du directoire du Groupe SOS et fondateur du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). SOS est un groupe associatif intervenant dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale et réalisant un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros en 2019, dont le modèle repose sur la mutualisation des fonctions supports, l’absorption des associations en difficulté et le recours aux marchés publics dans un contexte d’externalisation croissante des missions de service public [Gérôme, 2014]. Jean-Marc Borello propose un « capitalisme d’intérêt général » consistant à généraliser la concurrence et à évaluer l’efficacité des organisations, quel que soit leur statut, en fonction de leur impact social. Il en conclut à la dilution de l’ESS au profit d’une entreprise d’intérêt général articulant l’initiative privée lucrative et la finalité d’intérêt général [Borello, 2017]. Il appartiendrait donc au marché de résoudre lui-même les problèmes qu’il crée, l’État devenant un simple acteur parmi d’autres. »

De la sorte, si les sociétés à mission changent le logiciel de l’engagement, celui-ci passant d’une logique philanthropique à une logique de responsabilité envers la communauté, elles évitent de traiter le double problème du partage de la valeur et du partage du pouvoir au sein de l’entreprise.

Timothée Duverger, L’économie sociale et solidaire, Paris, La Découverte Coll. Repères, 2023, p.89-92

[FORMATS #3] Festival BD et Illustrations, 20 avril Augan

Depuis 2021, l’association La Bande FM et ses partenaires organisent le Festival FORMATS, les rencontres de la BD et de l’Illustration.

Le Festival FORMATS c’est un Village BD & Illustration où retrouver :

Des Auteur-e-s / Dessinat-eur-rice-s de BD-  Des Illustrat-eur-rice-s – Des Artisan-e-s (sérigraphie, linogravure…)

Des maisons d’édition – Une librairie – Des Tatoueur.euse-s …

Mais aussi :

Des Expositions – Des Ateliers dans les écoles du village – Une résidence d’artiste – Du direct Radio – Des concerts…

RV Place de la Liberté 56800 AUGAN  le  SAMEDI 20 AVRIL 2024

=> Horaires : de 13h à 20h (Village BD+Expos) – de 20H30 à 01H (Concert)

https://festivalformats.wixsite.com/festival-formats—b

[Média local] www.deambulaterre.org

Le journal citoyen en ligne est né du mouvement des Déambulateurs 56 constitué pendant l’opposition à la contre-réforme des retraites du gouvernement Macron. Toujours uni.e.s, sur le territoire de Ploërmel et ses alentours, le collectif continue à lutter localement pour un monde meilleur.

« Si nous sommes pluriel.le.s et que nos convictions politiques sont diverses, nous partageons des valeurs essentielles : l’égalité et la solidarité. Lutter pour nos droits sociaux et pour le maintien de services publics de qualité et de proximité fait partie de nos objectifs historiques communs.« 

Indépendant, contributif et vivant, nous vous invitons à visiter ce nouveau média local : www.deambulaterre.org

[BLABLAS de l’ESS] Face aux poisons, ensemble on est plus fort

Mercredi 27 mars à partir de 19h30 à l’Estaminet du Champ Commun à Augan.

Avec les témoignages de membres du Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’ouest.

Le Collectif de soutien regroupe des citoyens alertés par les situations dramatiques vécues par les victimes en particulier les salariés bretons intoxiqués sur leur lieux de travail et leurs familles. Ils constatent que les situations des victimes sont aggravées par leur isolement face aux institutions ou aux employeurs, leur difficulté d’accès aux droits (complexité des procédures, raisons financières…) et par la déficience du dispositif de protection sanitaire et sociale existant, particulièrement dans le secteur agricole.

Les membres du Collectif, convaincus de la nécessité d’interdire à terme les pesticides et de promouvoir les modèles alternatifs de production et de consommation, veulent sensibiliser le public et les relais d’opinion et interpeller les pouvoirs publics.

Ils ont décidé de s’organiser sur un mode associatif pour soutenir les  victimes et leurs familles et agir avec elles dans la reconnaissance de leurs droits et pour contribuer au débat public sur les alternatives à l’usage des pesticides.

C’est quoi les « BLABLAS ? »

C’est un moment convivial, dans le bar du Champ Commun à Augan. Un espace de rencontres et d’échanges sur des thématiques qui intéressent les citoyen.ne.s.  C’est une discussion sur la base d’une expérience liée à un thème grâce à la participation d’un ou plusieurs témoins.

Tout le monde y a sa place, ce n’est ni un rendez-vous « d’expert.e.s » ni une conférence. On s’installe, on discute, et on s’empare collectivement d’un sujet !

La radio associative Timbre FM enregistre ces moments que vous pouvez retrouver sur leur site web et sur celui d’ESS’entiel Ploërmel. La librairie coopérative La Grange aux Livres présente pour l’occasion une sélection d’ouvrages en lien avec le sujet.

Infos : ESS’entiel Ploërmel 06 41 54 85 70 / contact@essentiel-ploermel.fr

[Édito de février 2024 ]

On pourrait se perdre en questions à propos de la nouvelle ex ministre de l’éducation nationale (etc.) : ses déclarations relèvent-elles de la naïveté, de l’outrecuidance, de la perte des relations aux réalités ?… En tout cas, elles ont le mérite de mettre en lumière des problématiques (et aussi des rapports) qui n’auraient peut-être (qui dit certainement ?) pas eu la même audience.

Une de celles-ci touche à la question de la mixité sociale au sein des établissements au moment même où plusieurs études internationales ciblent la France pour l’inégalité sociale de son système scolaire.
Il n’est pas sans intérêt de noter, comme le fait Xavier Molénat dans le numéro de février 2024 d’Alternatives Économiques que « ce principe de mixité, loin d’être un principe historique du service public d’éducation, n’a été inscrit dans la loi qu’en 2013. Mais depuis cette date, loin de s’améliorer, la situation s’est aggravée : la part des élèves issus de catégories « très favorisée » (cadres, chefs d’entreprise, enseignants…) au sein de l’enseignement privé, qui s’élevait déjà à 34,9% en 2011 (19,9% dans le public), est passée à 40,2% en 2021 (20,4% dans le public). Inversement, la part des catégories défavorisées (ouvriers, inactifs) est passée dans la même période de 19,9% à 15,8% (37,2% dans le public) ».

On pourra se demander ce que vient faire ce questionnement dans l’infolettre d’un pôle de développement de l’ESS breton et répondre tout d’abord que ces constats globaux ne correspondent pas aux valeurs démocratiques, émancipatrices et solidaires de l’ESS.
Mais nous sommes fondés à interroger en particulier la situation bretonne puisque le même article précise que « la présence territoriale de l’enseignement privé est également très variable, allant de l’absence totale (aucun collège privé dans la Creuse) à l’omniprésence comme en Bretagne. Dans l’académie de Rennes, 40% des élèves des 1 er et 2 nd degrés sont scolarisés dans le privé. À Paris, cette proportion est de 30%. Et au niveau national, elle atteint 16,9%, soit un peu plus de 2 millions d’élèves, une proportion très stable depuis quarante ans ».
Enfin, du point de vue de l’économie sociale et solidaire en Bretagne, nous nous devons au moins de constater que les établissements d’enseignement privés et leurs emplois, du fait de leur statut juridique associatif, sont intégrés dans les statistiques restituant l’impact de l’ESS sur le territoire régional. Il n’est donc pas négligeable de relever sur la base des données transmises dans la « Note de conjoncture, Bilan 2022 et perspectives 2023 », publiée par l’Observatoire régional de l’économie sociale et solidaire de la CRESS Bretagne, que l’enseignement privé représente 6,6% de l’ensemble de l’emploi ESS dans la région !

[Édito octobre 2023]

Il y a juste 50 ans, Ernst Friedrich Schumacher, économiste britannique, faisait paraître « Small Is Beautiful », un ouvrage qui s’inscrivait dans la suite et l’esprit du rapport Meadows, paru en 1971 et intitulé « Les limites de la croissance » dans sa traduction française.

En 1974, dans son discours de réception du prix Nobel d’économie, Friedrich von Hayek qui deviendra le mentor de Margaret Thatcher et Ronald Reagan pour l’installation et la domination dramatique de l’ultralibéralisme disait :

« L’immense publicité donnée récemment par les médias à un rapport qui se prononçait au nom de la science sur les limites de la croissance, et le silence de ces mêmes médias sur la critique dévastatrice que ce rapport a reçu de la part des experts compétents, doivent forcément inspirer une certaine appréhension quant à l’exploitation dont le prestige de la science peut être l’objet ».

Il n’était alors pas le seul à mettre en doute les conclusions proposées par le rapport Meadows et les « Trente glorieuses » incitaient à croire qu’une certaine idée du progrès était infinie.

Mais il suffit de ne reprendre qu’une citation de l’ouvrage de Schumacher pour se rendre compte que ces chercheurs avaient raison :

« Il y a quelques sagesses dans la petitesse, ne serait-ce que eu égard à la petitesse et à l’éparpillement du savoir humain, qui repose sur l’expérience bien plus que sur la compréhension. Le pire des dangers vient invariablement de l’application brutale, sur une grande échelle, d’un savoir partiel, comme nous en sommes journellement les témoins avec l’énergie nucléaire, la chimie nouvelle en agriculture, la technologie des transports et d’innombrables d’autres choses encore1 ».

Voilà pourquoi nous pensons que l’économie sociale et solidaire ne doit pas seulement s’inquiéter de ses statuts juridiques et de son développement sauf à dire que son esprit doit s’incarner dans la multiplication d’unités modestes, responsables à tous les sens du terme, reliées entre elles et désireuses d’agir pour changer les logiciels qui nous gouvernent.

1 Ernst Friedrich Schumacher, Small Is Beautiful – Une société à la mesure de l’homme, Paris, Contretemps Seuil, 1978, p.36.

« L’économie sociale et solidaire produit des biens dont tout le monde bénéficie »

interview de Philippe Frémeaux, propos recueillis par F.RI, Libération, 24-25 XII 2013, « Le Libé des solutions », p.5

Atelier photocollage 16 XI 2013 3

Philippe Frémeaux, éditorialiste au magazine économique et président de la société coopérative Alternatives économiques, vient de rendre un rapport sur « l’évaluation de l’apport de l’économie sociale et solidaire ».

Que préconise le rapport que vous avez remis à Benoît Hamon ?

L’économie sociale et solidaire [ESS] est généralement représentée par sa contribution à l’emploi, 2,4 millions de salariés. Mais aussi par sa contribution au PIB, qui tourne autour de 6,7% selon l’INSEE et l’Addes [Association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale, ndlr] et non 10% comme il est dit parfois…..

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Nabli Hamdi, « L’innovation, la formule incantatoire », Libération, 24-25 décembre 2013, p.XI

Atelier photocollage 16 XI 2013 3Alors que la crise exige des solutions, il est temps de s’interroger sur le sens caché du discours positif du pouvoir, sur le symbole que porte un mot passe-partout : « innovation ». Qu’est-ce à dire ? Comment un processus lent et complexe, résultant pour une bonne part de la recherche fondamentale, et donc du hasard, de l’expérimentation et de l’incertitude, peut-il être élevé au rang de principe général de gouvernance ? L’audace peut-elle être commandée en haut lieu ? Cette volonté d’innovation semble bien correspondre à quelque chose comme une injonction paradoxale, telle que définie par le psychologue Gregory Bateson, de l’école de Palo Alto, dans sa théorie de la schizophrénie : « Le paradoxe est un modèle de communication qui mène à la double contrainte ». Exemples : « sois spontané », « sois grand, mon petit » ou… soyons innovants….

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Thierry Dominique, « La place des femmes dans la vie associative française », Associathèque, janvier 2008

Quelques rappels sur la situation du tissu associatif et du bénévolat en France :

IMG_2501Selon des chiffres tirés d’une importante enquête menée sous la direction de Viviane Tchernonog (CNRS/MATISSE), le nombre de personnes engagées dans le bénévolat associatif serait d’environ 14 millions de personnes en 2005. Ce chiffre aurait progressé régulièrement de 3,8% par an depuis 1999. Le taux d’engagement est donc de 28% de la population de plus de 15 ans…

 

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Danielle Demoustier, « Note de lecture (à propos de l’ouvrage de J.-F. Draperi) », Recma, 26 X 2011.

URL : http://recma.org/node/1462

 IMG_2527Dans son dernier ouvrage, J.-F. Draperi ouvre un chantier vaste et stimulant : celui de construire la théorie générale de l’économie sociale et solidaire, défi impossible à relever, selon lui, à partir des approches trop partielles. L’économie sociale est trop insérée dans l’économie capitaliste, même si certaines de ses règles permettent aux hommes d’être « plus vertueux » ; l’économie solidaire restreint le champ de la solidarité économique et l’entrepreneuriat social est trop soutenu par le capitalisme des grandes entreprises. Pour rendre compte des nouvelles pratiques et dépasser l’approche limitée à un ensemblier d’entreprises, l’auteur appelle de ses voeux la reconstruction d’une théorie, ou d’une doctrine, qui l’affirme comme mouvement social susceptible de constituer une alternative, sur la base d’un projet social « qui s’adresse à la société dans son ensemble ». Il sait que cette démarche sera de longue haleine, mais il tente d’en poser quelques jalons….

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